COMPTE-RENDU : « Startup wanted ! Comment et pourquoi les régions s’arrachent les jeunes pousses innovantes (3/5) »
L’édition 2016 du Salon Parcours France, le 11 octobre dernier, était rythmée par plus de 50 ateliers et tables rondes, avec pour fil rouge la croissance dans les territoires. Animées par des décideurs, entrepreneurs et experts, les tables rondes ont notamment décliné les conditions, moyens et exemples d’une croissance locale. Quels sont les secrets de fabrication des territoires qui parviennent à «surperformer» par rapport à l’économie nationale et internationale ? Comment bâtir les stratégies, créer les écosystèmes qui pourront surmonter les dépressions, amplifier les reprises et maintenir le territoire dans une dynamique de croissance ?
La troisième table ronde était dédiée aux startups, et aux efforts déployés par les territoires pour les attirer ou les faire croître. L’enjeu est bien sûr le développement économique et l’emploi, mais également le rayonnement et la visibilité d’une région. Alors, quelle sera « the next big thing » ? La start-up aujourd’hui quasi-anonyme et demain licorne, à même d’amplifier la dynamique d’un territoire ?
Pour en débattre étaient réunis :
David Monteau, Directeur de la French Tech
Carole Granade, Présidente de l’accélérateur de startup BoostInLyon
Paul-François Fournier, Directeur exécutif de la Direction Innovation chez BPIFrance
Bertrand ROJAT, Directeur de l’écosystème Orange Startup
Modération : Élodie VIALLE, Journaliste (Mediatico, Usbek & Rica…), consultante et enseignante
«L’État labellise des écosystèmes qui portent un réel projet répondant au cahier des charges de la French Tech. Entre autres, il requiert un bâtiment totem, une stratégie d’internationalisation, un écosystème déjà dynamique et une forte implication du tissu privé» – David Monteau, Directeur de la FrenchTech
La French Tech est «une initiative lancée par le gouvernement français, en 2013, pour soutenir et promouvoir les startups françaises à l’échelle mondiale. Plus largement, elle désigne tous ceux qui travaillent dans ou pour les startusp françaises, en France et à l’étranger : entrepreneurs, investisseurs, ingénieurs, designers, développeurs… C’est une marque collective et ouverte pour valoriser l’écosystème des startups françaises, dans l’Hexagone et à l’international», rappelle en préambule David Monteau. La croissance des startups, en effet, doit s’ancrer dans un écosystème propice. L’État et les collectivités territoriales jouent un rôle fondamental dans sa construction. «La startup ne sort pas de nulle part. Elle doit trouver dans son environnement des facteurs de développement : talents, clients, investisseurs – et notamment investisseurs internationaux – centres d’équipement et de formation, équipements et infrastructures », souligne David Monteau. Avant de préciser le facteur fondamental : «Un écosystème favorable, c’est avant tout une culture entrepreneuriale partagée par l’ensemble de la chaîne des acteurs locaux, une ambition qui tire tout le monde vers le haut». Sur la base de ces critères, quelques 21 territoires ont reçu le label French Tech. «L’État labellise des écosystèmes qui portent un réel projet répondant au cahier des charges de la French Tech. Entre autres, il requiert un bâtiment totem, une stratégie d’internationalisation, un écosystème déjà dynamique et une forte implication du tissu privé», explicite David Monteau.
«Si l’on veut rester compétitif sur son marché s’imposer à l’international, investir dans l’innovation est absolument fondamental» – Bertrand Rojat, directeur de l’écosystème Orange Start-up
«Au sein de cet écosystème, les grandes entreprises peuvent jouer un rôle d’accélérateur, de catalyseur et de facilitateur», ajoute Bertrand Rojat. Loin de l’imagerie de la multinationale prédatrice et tueuse d’innovation, de nombreuses grandes entreprises ont ainsi développé des programmes de soutien aux jeunes pousses. Bertrand Rojat cite un exemple qu’il connaît bien : celui d’Orange start-up, une démarche d’open innovation et de soutien aux startups déployée par l’opérateur mobile. «Les jeunes pousses ont besoin de financement, de contrats, de visibilité, de talents. Nous nous efforçons de leur apporter tout cela au travers Orange Start-up. Nous identifions les startups les plus prometteuses, engageons un soutien à tous les niveaux (financement, expertise technique, accompagnement humain et matériel…), créons de la visibilité via l’émission Hello Startup, sur BFM, que nous parrainons», explique Bertrand Rojat. Ce soutien est notamment mis en œuvre au travers de 12 structures d’accélération Orange Fab, réparties sur 4 continents.
«Des licornes, il y en aura quelques unes. De belles entreprises qui feront de la marge et du chiffre d’affaires, il y en aura plein. Aujourd’hui, elles ont besoin d’être aidées, accompagnées, coachées» – Carole Granade, présidente de l’accélérateur de startups BoostinLyon
Pour Carole Granade, également, la faculté d’accompagnement est la marque des écosystèmes réussis. Une capacité mise en œuvre au sein de BoostinLyon, l’accélérateur de startup qu’elle préside, après quinze ans passés dans la Silicon Valley. BoostinLyon offre un accompagnement intensif de 4 mois, incluant hébergement et coaching, à deux promotions annuelles de 7 porteurs de projet. «La clé, pour nous, c’est d’aider l’entreprise à mettre au clair sa stratégie, à comprendre qui est son client et comment gagner de l’argent. En bref, à trouver son modèle économique. Tous les business n’ont pas besoin de lever des fonds. Et le meilleur argent, c’est celui du client !» précise-t-elle. Une démarche inspirée de son expérience californienne au sein d’une startup, puis comme Directrice Générale de la Chambre de Commerce franco-américaine de San Francisco. «Dans la Silicon Valley, vous devez montrer rapidement votre potentiel, votre aptitude à conquérir, à fidéliser des clients et à devenir rentable», explique-t-elle. Si elle regrette, en France, un manque de pérennité et de stabilité dans l’environnement législatif et fiscal – «de vrais enjeux pour les startups» – elle souligne les atouts dont dispose le pays. «Le kick-starter est très entouré. Il bénéficie de nombreuses aides, d’outils de financement, et peut trouver en région des écosystèmes stimulants, dynamisés par la French Tech». Où l’accompagnement – on y revient – et la mise en réseau font souvent la différence. BoostinLyon est parti de ce constat. «Nous voyions un certain nombre de startups lyonnaises partir à Paris, faute d’accompagnement à leur disposition. Nous trouvions cela un peu cruel, alors que tout l’écosystème est là pour les aider», observe Carole Granade.
«Nous nous appuyons sur une organisation régionale, décentralisée. Cette proximité avec les écosystèmes, les entrepreneurs, les patrons de startups est au cœur de notre projet. Elle constitue une condition essentielle pour la connaissance des entreprises et l’efficacité des financements» – Paul-François Fournier, Directeur exécutif de la Direction Innovation de bpifrance
Dans ces écosystèmes, bpifrance fait souvent figure de «financeur en chef» et s’appuie sur une grande proximité avec les entrepreneurs, les startups. «Notre rôle est de financer les jeunes pousses en amont de possibles prêts et participations bancaires. La BPI contribue en effet à de nombreux fonds d’investissement, et plus particulièrement des fonds d’amorçage, des fonds régionaux et des fonds privés. La diversité et l’étendue de cette gamme nous permet d’accompagner les entreprises au plus près de leurs besoins». Au total, bpifrance et ses partenaires mobiliseront 200 milliards d’euros, d’ici à 2019, pour financer le développement des entreprises hexagonales. Un financement très largement régionalisé, à la fois dans ses impacts et ses circuits de décision.
Le financement est aujourd’hui facilité, sinon fléché, par l’émergence de «territoires à startups» bien identifiés, qu’ils soient galvanisés par un cluster, un pôle de compétitivité ou la French Tech.
«Au-delà de la région parisienne, vous trouvez, partout sur le territoire, des pôles d’excellence très réputés dans leur domaine, comme la Cité de l’objet connecté à Angers ou encore le pôle Plaine Images en région lilloise» souligne Bertrand Rojat. David Monteau rappelle à juste titre que la France est, en matière de startups, un territoire équilibré, beaucoup plus que le Royaume-Uni, par exemple, où Londres concentre la quasi-totalité des startups. «En France, vous trouvez de très belles jeunes entreprises aussi bien à Toulouse, Montpellier, Bordeaux, Nantes, Lyon, Lille ou Strasbourg, et j’en oublie beaucoup», énumère Carole Granade.
Et si tous s’accordent à dire que Paris constitue un foyer majeur de l’écosystème startupien, ils constatent aussi que cette attractivité est un bien commun. «Il est dans l’intérêt de toutes les startups françaises que Paris soit dans le Top 3 ou le Top 5 mondial. C’est tout le pays qui tire avantage de cette notoriété et de cette visibilité internationales», conclut David Monteau, le directeur de la French Tech.
Pour aller plus loin :
- Compte-rendu de la table ronde « Ces innovations qui redessinent la carte de la France » (1/5)
- Compte-rendu de la table ronde « L’économie de proximité, un poids lourd discret et en pleine croissance ! » (2/5)
- Compte-rendu de la table ronde « Une autre croissance est-elle possible localement ? (4/5)
- Compte-rendu de la table ronde « Quelle place pour la culture et la création dans l’économie de demain ? (5/5) »