Grand rendez-vous annuel des projets en région, PARCOURS FRANCE 2017 (Paris, 10 oct.) accueillait, pour sa dixième édition, plus de 120 territoires, entreprises, franchises, associations, venus présenter leurs atouts et opportunités à quelques 2 000 visiteurs : entreprises et entrepreneurs, investisseurs, salariés, professionnels en quête de nouveaux horizons en région. En ouverture de cette dixième édition, la conférence de presse réunissait grands élus, dirigeants d’entreprise, investisseurs et experts et autour d’une même thématique : les « Open Territoires » Qu’est-ce qu’un Open Territoire ? Au delà du marketing, quels sont ses éléments constitutifs ? Quel modèle ? Quelles stratégies sous-jacentes ? Quel impact et quelles limites ? Pour débattre des « open territoires », les décideurs invités par PARCOURS FRANCE ont travaillé en trois panels, autour de trois grandes questions. Deuxième de ces thématiques : « Comment le numérique vient aux (Open) territoires ».
PARTIE 2 : « Comment le numérique vient aux (Open) territoires »
Participants :
– Marc LHERMITTE, associé d’EY en charge du conseil en matière de compétitivité et d’attractivité
– Pascal DURAND, président de la Confédération du Crédit Mutuel
– Antoine ANGEARD, délégué général du CNER (Fédération des Agences de développement économique)
– Éric GROUD, vice-président délégué de la CCI des Pays de la Loire
– Pierre ALZINGRE, fondateur de La Start’up est dans le Pré
Introduction et modération : Antoine COLSON, co-fondateur de PARCOURS FRANCE.
« Le numérique bouleverse en profondeur notre société et notre économie. Aux entrepreneurs, aux créateurs, il offre d’immenses opportunités et accélère le tempo des projets. Il redistribue les cartes et donne aux territoires de nouveaux leviers d’attractivité » – Antoine Colson, co-fondateur de PARCOURS FRANCE
Pour Marc Lhermitte, associé chez EY, l’association entre « Open » et « Territoire » ne prend véritablement son sens qu’avec l’ouverture au monde de l’économie française. « Je date ce réveil du rapport Gallois, en 2012, qui a fait diagnostic et consensus. La France réalise que l’on peut à la fois être un territoire de solidarité, de protection, de bien-vivre, tout en affrontant la concurrence internationale, en s’adaptant à des cycles économiques et technologiques beaucoup plus rapides », observe-t-il. Cette évolution se traduit par une hausse sensible de la cote française auprès des investisseurs internationaux, mesurée chaque année par EY dans son Baromètre de l’attractivité de la France. « Le renouveau trouve également sa source dans une coopération plus poussée, une démarche collaborative entre public et privé. Dans un certain nombre de territoires, les acteurs en charge d’attirer entreprises ou investisseurs se sont étoffées et ont nettement élevé leur niveau de jeu. Cette professionnalisation est un autre marqueur de l’Open Territoire », estime Marc Lhermitte.
Dans cette montée en gamme, le digital constitue un levier primordial, dans toutes ses dimensions – accès au haut débit, dynamisme de la French Tech locale, offre de services interactifs… « Et bien sûr nous sommes tous à l’affût des meilleurs outils et dispositifs de veille pour identifier en amont les projets de création, d’implantation ou de développement. Du reste on détecte les projets autant qu’ils nous détectent », résume Marc Lhermitte. Dans cette course à la visibilité, l’internet et plus particulièrement les réseaux sociaux peuvent former un accélérateur, un démultiplicateur et une caisse de résonance extrêmement puissants. « Lesquels peuvent aussi se retourner contre l’image du territoire en conférant une ampleur médiatique inédite à une crise, une restructuration, au point d’occulter tous les succès enregistrés par ailleurs », précise Marc Lhermitte. C’est d’ailleurs un autre attribut décisif de l’Open Territoire : il s’est doté des outils et de l’agilité nécessaires, sur le web, pour informer rapidement en cas de crise et, le cas échéant, établir des contre-feux. »
« Les agences de développement économique, dont le modèle a essaimé dans le monde entier, ont conçu des dispositifs très innovants et performants, associant étroitement proximité et dématérialisation » – Antoine Angeard, délégué général du CNER
Si le digital permet un accès instantané au monde entier, encore faut-il qu’il ne soit pas hors-sol ni, en quelque sorte, déconnecté : mais ancré dans les ressources du territoire pour mieux les valoriser. C’est tout l’art et toute la difficulté d’un Open Territoire que de réaliser cette subtile alchimie entre proximité et dématérialisation. « En la matière, les agences de développement économique, dont le modèle a essaimé dans le monde entier, ont conçu des dispositifs très innovants et performants », relève Antoine Angeard, délégué général du CNER, la fédération des agences de développement économique. L’agence d’attractivité de l’Alsace, par exemple, a créé une plateforme qui offre aux entreprises territoriales toute l’information sur les marchés publics français, européens et mondiaux. Prolongé d’un service d’accompagnement à l’export, l’outil a généré un chiffre d’affaires cumulé de 130 millions d’euros entre 2012 et 2016.
« Nous croyons en un cercle économique vertueux, ancré dans le local et « boosté »par les nouvelles technologies » – Pascal Durand, président de la Confédération du Crédit Mutuel
Dotées, comme les agences de développement, d’une aptitude à fédérer une grande diversité d’acteurs, les coopératives jouent également avec brio du couplage entre proximité et digitalisation. Le Crédit Mutuel a ainsi pu renforcer les effets de son modèle déconcentré, profondément enraciné au niveau local. « 2 100 Caisses, 2 100 territoires : chaque caisse anime, développe un territoire, au plus près des spécificités et des besoins locaux », résume Pascal Durand, président de la Confédération du Crédit Mutuel. A cette réactivité et ce sur-mesure, chaque caisse ajoute aujourd’hui une capacité d’information et d’action décuplée, grâce à la plateforme commune de services en ligne mise en œuvre par la confédération. « Nous croyons en un cercle économique vertueux, ancré dans le local et « boosté » par les nouvelles technologies », explique Pascal Durand.
« Nous sommes certainement dans des scénarios « schumpeteriens » de destruction créative, qui requièrent une grande agilité intellectuelle et une non moins grande rapidité d’action. Au sein d’un pays – qu’il s’agisse de la France, de l’Allemagne ou de l’Espagne – tous les territoires ne s’en sortent pas identiquement » – Eric Groud, vice-président délégué de la CCI des Pays de la Loire
Si elle crée de l’emploi et fait émerger des myriades de startups, la nouvelle économie détruit également des milliers de postes, déstabilise les industries et services traditionnels. La Poste, les banques, pour ne citer que quelques exemples, ferment des agences et des guichets à mesure que leurs usagers déplacent leurs pratiques sur le web. « Pour un territoire, c’est supportable à condition d’anticiper, de créer les conditions d’une nouvelle vague d’entreprises et d’implantations. Nous sommes certainement dans des scénarios « schumpeteriens » de destruction créative, qui requièrent une grande agilité intellectuelle et une non moins grande rapidité d’action. Au sein d’un pays – qu’il s’agisse de la France, de l’Allemagne ou de l’Espagne – tous les territoires ne s’en sortent pas identiquement », indique Eric Groud, vice-président délégué de la CCI des Pays de la Loire. Pour lui, les territoires « gagnants » la jouent collaboratif, seule tactique à la mesure des enjeux et des investissements à réaliser. Ils ont su co-construire une stratégie de développement associant les principaux acteurs locaux – publics comme privés – avec des objectifs partagés et une claire répartition des rôles. « Dans cette orchestration, les CCI jouent leur partition de metteur ensemble », précise Eric Groud. Cette co-construction fait notamment émerger les pôles de compétitivité, clusters, pépinières et autres technoparcs qui densifient et dynamisent le tissu économique local. Elle permet également un service au plus près des porteurs de projets. C’est la vocation, entre autres, des Espaces Entreprendre, au nombre de 325 dans toute la France, qui apportent expertise, conseils et repères aux créateurs et repreneurs d’entreprise.
« Le territoire est à la métropole ce que la startup est à la grande entreprise : un aiguillon, un agitateur d’idées, un créateur de solidarités, un défricheur du futur »- Pierre Alzingre, fondateur de La Start’up est dans le Pré
Ce maillage, cette dynamique collective sont-ils possibles dans les territoires les plus ruraux, les plus isolés ? « Oui ! », répond sans hésiter Pierre Alzingre, fort de son expérience à la tête de Via Innova, l’incubateur du pays de Lunel. « Dans le comité de sélection de l’incubateur, nous avions réuni, classiquement, un patron de PME, des élus locaux, mais aussi un boucher, un pharmacien, des profils très différents, dont le mélange s’est avéré très fécond et très utile pour les jeunes pousses du cru », raconte celui qui dirige aujourd’hui l’agence de marketing Visionari. Il poursuit son œuvre d’ouverture, au sens le plus large, au travers de « La Start’up est dans le pré », un intense programme d’accélération de projets innovants, qui se déplace dans les territoires ruraux. « Tout le monde ne parle que de startup, mais celles-ci ne représentent que 1 % des créations d’entreprise. Nous avons forgé, en partenariat avec les métropoles French Tech, des outils, des méthodes qui peuvent aussi bien bénéficier aux artisans et aux commerçants », souligne Pierre Alzingre. C’est aussi ça, l’Open Territoire : ne jamais se laisser enfermer dans des dogmes, fussent-ils high tech, et donc ne jamais cesser d’expérimenter, de décloisonner, de rapprocher. « Seul on va plus vite. Ensemble on va plus loin », rappelle Eric Groud.
Pour aller plus loin :
> Conférence de presse inaugurale / Partie 1 « Open Territoires : quelle stratégie ? »
> Conférence de presse inaugurale / Partie 3 « L’Open Innovation au service des Open Territoires »