Grand rendez-vous annuel des projets en région, PARCOURS FRANCE 2017 accueillait, pour sa dixième édition, plus d’une centaine de territoires, entreprises, franchises, associations, venus présenter leurs atouts et opportunités à quelques 2 000 visiteurs : entreprises et entrepreneurs, investisseurs, salariés, professionnels en quête de nouveaux horizons en région. En ouverture de cette dixième édition, la conférence de presse réunissait grands élus, dirigeants d’entreprise, investisseurs et experts autour d’une même thématique : « Open Territoires ». Qu’est-ce qu’un « Open Territoire » ? Au delà du marketing, quels sont ses éléments constitutifs ? Quel modèle ? Quelles stratégies sous-jacentes ? Quel impact et quelles limites ? Pour débattre des « Open Territoires », les décideurs invités par PARCOURS FRANCE ont travaillé en trois panels, autour de trois grandes questions. Première de ces thématiques « Open Territoire : quelle stratégie ? »

PARTIE 1 : « Open Territoires : quelle stratégie ? »

Participants :

« Nous voulons devenir la capitale du Grand Sud, en même temps qu’une porte vers le bassin méditerranéen et l’Afrique. Une porte qui fonctionne dans les deux sens » – Nicolas Regrigny, Directeur de l’Attractivité et de la Promotion internationale d’Aix-Marseille Provence Méditerranée

L’ouverture d’un territoire est naturellement déterminée par sa situation géographique. Cette ouverture se construit ensuite au fil des stratégies territoriales, des investissements dans les infrastructures et bien sûr du développement économique. « Open territoires, quand on est une ville portuaire comme Aix-Marseille Provence, évidemment cela nous parle », énonce Nicolas Regrigny, dDirecteur de l’Attractivité et de la Promotion internationale d’Aix-Marseille Provence Méditerranée pour la métropole sudiste.

Mais quelle stratégie pour bénéficier pleinement de cette position géographique privilégiée ? « Nous voulons devenir la capitale du Grand Sud, en même temps qu’une porte vers le bassin méditerranéen et l’Afrique. Une porte qui fonctionne dans les deux sens », expose Nicolas Regrigny. Dans le sens aller, il s’agit pour la métropole de constituer le lieu de référence, à la fois secure et dynamique, qui permette aux entreprises nord-européennes de se lancer à la conquête des marchés africains et proche-orientaux. « La dernière frontière, telle que l’envisagent les milieux économiques, c’est l’Afrique », rappelle Nicolas Regrigny. Dans cette perspective, la métropole marseillaise a noué un étroit partenariat avec Miami. Longtemps encalminée dans les mêmes clichés que subit Marseille-Aix aujourd’hui, Miami a su se façonner une nouvelle image et reconvertir son économie en capitalisant sur son ouverture à l’Amérique Latine. « Comme l’a fait Miami avec l’Amérique du Sud, nous voulons investir pleinement notre relation avec l’Afrique et le bassin méditerranéen pour sortir des clichés, exploiter au mieux nos atouts, développer une économie moderne, ouverte et innovante », souligne Nicolas Regrigny.

A cet effet, la métropole a besoin d’attirer des talents de tous horizons, et produit un effort tout particulier en direction de sa « diaspora » dispersée dans le monde. Elle joue de ses nombreux attraits, parmi lesquels son environnement culturel, ses pôles, accélérateurs, clusters et pépinières, ainsi qu’une large gamme d’entreprises, de la startup au champion international. « J’insiste sur ce fait trop souvent sous-estimé : la porte fonctionne dans les deux sens. Nous voyons aujourd’hui arriver des investissements importants en provenance d’Afrique du Nord et subsaharienne. Pour les investisseurs de ces régions, Aix-Marseille Provence est, en Europe, un lieu d’implantation naturel et privilégié », complète Nicolas Regrigny.

« La métropole du GrandAngoulême a mis en place des appels à projet collaboratifs qui soutiennent et stimulent les croisements d’expertises, les créations pluridisciplinaires, les partenariats entre acteurs d’horizons différents. Cette hybridation est pour nous au cœur de la notion d’Open Territoire » – Jean-Jacques Fournié, Conseiller Délégué en charge de l’innovation au GrandAngoulême

Dans la stratégie de valorisation, adoptée par Aix-Marseille Provence, apparaît une autre vertu de l’Open Territoire : la capacité à décloisonner, à faire travailler ensemble des secteurs et des acteurs a priori éloignés. GrandAngoulême pratique en virtuose ces fertilisations croisées. Partant de son industrie papetière, la métropole a créé un festival de bande dessinée mondialement connu, et de là un pôle – Magelis – qui réunit aujourd’hui toutes les disciplines de l’image et de l’audiovisuel numérique. « Les expertises de Magelis rayonnent dans toute l’industrie et toute la région. Par exemple, les entreprises du pôle apportent leurs technologies de pointe, en matière de réalité virtuelle et d’interactivité, à la filière de construction navale et sous-marine », précise Jean-Jacques Fournié.

Le territoire entretient et stimule ces croisements au travers d’appels à projets collaboratifs. A l’instar du dispositif Relatio, qui soutient financièrement les programmes où font équipe plusieurs entreprises et/ou centres de compétences. « Au delà des appels à projets, nous inaugurerons prochainement le Technoparc, qui rassemblera dans un même lieu entreprises et startups positionnées sur les industries du futur », souligne Jean-Jacques Fournié.

« Nous voyons ici tout le rôle et la valeur ajoutée d’un open territoire : structurer des filières, créer des grappes, des pôles, et ensuite les mettre en synergie pour accélérer la dynamique d’ensemble» – Jacques-Alexandre Vignon, directeur de Green Valley Épinal

Croisement et hybridation s’inscrivent également en bonne place dans la stratégie territoriale des Vosges. Ici aussi, les collectivités osent des rapprochements, catalysent des compétences diverses, créent les conditions de collaborations inédites. Le département s’est ainsi associé au papetier norvégien Norske Skog, leader européen du papier journal, pour créer à Épinal une Green Valley, sur un principe d’économie circulaire : Norske Skog attire autour de son site, à Golbey, des entreprises partenaires – comme le suisse Pavatex, spécialisé dans la laine de bois et les panneaux isolants – afin de mutualiser ses actifs et de valoriser ses déchets et coproduits. Le groupe norvégien lance aujourd’hui d’autres projets de partenariat dans les domaines de la chimie verte et des alicaments. « Le département et Norske Skog ont investi 60 millions d’euros dans la Green Valley, avec à la clé une valorisation des déchets, une optimisation des ressources, l’ancrage d’entreprises pérennes et innovantes », explique Jacques-Alexandre Vignon, Directeur de Green Valley Épinal. Les collectivités du cru soutiennent également les projets communs entre la Green Valley et le Campus Bois Lorraine, à Épinal, qui rassemble entreprises, laboratoires de recherche et enseignement supérieur (ENSTIB). De ce campus émergent de très prometteuses startups, comme In’Bô, concepteur d’objets en bois design et 100 % made in France. Ces jeunes pousses peuvent être accompagnées par des structures et des réseaux réseaux locaux tels que Vosj’Innov. « Nous voyons ici tout le rôle et la valeur ajoutée d’un open territoire : structurer des filières, créer des grappes, des pôles, et ensuite les mettre en synergie pour accélérer la dynamique d’ensemble », conclut Jacques-Alexandre Vignon.

« Dans le numérique, l’agglomération et ses partenaires ont créé des dispositifs très novateurs. A l’exemple du CCI Linkhub Normandie, un concept de pépinière en entreprise, qui invite les startups à s’installer et à se développer au sein même des grands groupes implantés sur le territoire » – Guy Lefrand, Président de la Communauté d’Agglomération Évreux Portes de Normandie

Bien sûr, l' »Open Territoire » ne se contente pas de connecter et de fédérer. Il détermine des priorités, des axes forts, des points saillants sur lesquels concentrer ses investissements, grâce auxquels fortifier son identité et sa visibilité. La Communauté d’Agglomération Évreux Portes de Normandie (EPN) a ainsi focalisé sa politique de développement économique autour de trois axes, afin de maximiser le potentiel de sa situation géographique : à 1 h de Paris, avec un bassin de 17 millions d’habitants à 2 h du centre-ville, et une capacité d’attraction des entreprises contraintes par le Brexit. « Nous structurons notre développement autour de trois pôles majeurs : la logistique; la pharmacie, avec la Cosmetic Valley; et le numérique, stimulé par le déploiement de la fibre optique sur tout le territoire », résume Guy Lefrand, le président d’EPN. Et au sein de ces pôles, le territoire place l’accent sur des initiatives, des infrastructures innovantes et à forte visibilité. Dans le secteur pharmaceutique, nous venons de lancer la plateforme Cosmetomics, où seront réalisés tous les tests et mesures de sécurités effectués au sein de la Cosmetic Valley. De quoi renforcer notre leadership en la matière », se félicite Guy Lefrand. Dans le numérique, l’agglomération et ses partenaires ont créé des dispositifs très novateurs. A l’exemple du CCI Linkhub Normandie, un concept de pépinière en entreprise qui invite les startups à s’installer et à se développer au sein même des grands groupes implantés sur le territoire. Ou encore la « Smart Base », une pépinière installée dans l’enceinte de la base militaire aérienne d’Évreux, qui affiche aujourd’hui complet. Entre autres pépites ébroïciennes, la startup Watiz a créé une solution capable d’identifier des objets dans des flux vidéos, qui intéresse l’armée comme le monde civil.

« C’est l’entreprise qui, in fine, crée les emplois. Nous sommes là pour façonner un environnement qui lui simplifie la vie, favorise son efficacité et sa capacité d’innovation » – Catherine Vautrin, Présidente du Grand Reims

C’est dans un rôle de facilitateur que Catherine Vautrin, Présidente du Grand Reims, positionne l' »Open Territoire ». « C’est l’entreprise qui, in fine, crée les emplois. Nous sommes là pour façonner un environnement qui lui simplifie la vie, favorise son efficacité et sa capacité d’innovation », rappelle l’élue. Les collectivités rémoises ont ainsi construit des outils pour forger cet environnement « business friendly » et valoriser au mieux la position enviable de la métropole : à 45 mn de Paris, aux portes du Grand Est – « Et à 30 mn du monde, via Roissy Charles de Gaulle », précise Catherine Vautrin. La politique économique de la métropole s’appuie sur trois dispositifs principaux : d’abord Reims Business Hub, guichet unique pour l’accompagnement des entreprises, qui mutualise les services du Grand Reims, de la CCI et de la Chambre des Métiers; ensuite Invest in Reims, l’agence de développement économique, qui a suscité en 13 ans l’implantation de 207 entreprises – 30 pour la seule année 2016 – créant 8000 emplois; enfin Innovact, incubateur de startups, et bâtisseur d’écosystèmes fertiles. « En particulier, nous développons des partenariats avec les grandes entreprises du territoire, où les startups peuvent expérimenter grandeur nature leurs solutions », explique Catherine Vautrin. Le dispositif a si bien fait ses preuves qu’il attire désormais des startups parisiennes, tandis que les rémoises, à l’instar de Chasseur d’appart’, partent à la conquête du marché francilien.

« En tant qu’agence de développement, notre premier travail est de faire connaître et reconnaître toute la diversité de notre territoire » – Claire Jubert, chargée de mission Meuse Entreprise

Pour Claire Jubert, chargée de mission Meuse Entreprise, l' »Open Territoire » est aussi celui qui sait renouveler son image, briser les stéréotypes susceptibles de former un repoussoir pour les investisseurs et un carcan pour son économie. « En France, chaque région est facilement assimilée à un ou deux clichés, et la Meuse, ce sont les tranchées. En tant qu’agence de développement, notre premier travail est de faire connaître et reconnaître toute la diversité de notre territoire », souligne-t-elle. Ce travail repose, comme dans d’autres « Open Territoires », sur des infrastructures modernes, des dispositifs d’accompagnement simples et efficaces. « Nous mettons tous les partenaires autour de la table, et proposons aux entreprises un accompagnement de A à Z, jusqu’à l’intégration dans des réseaux professionnels. Idem pour les cadres, les professions libérales », souligne Claire Jubert. Une stratégie récemment récompensée par la concrétisation de grands projets, comme les implantations de Safran et de CMI à Commercy. « Plusieurs centaines d’emplois directs créés, et un grand coup d’accélérateur pour toute l’économie locale », conclut Claire Jubert.

Pour aller plus loin :
> Conférence de presse inaugurale / Partie 2 « Comment le numérique vient aux (Open) territoires »
> Conférence de presse inaugurale / Partie 3 « L’Open Innovation au service des Open Territoires »